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Cette société atypique pourrait aussi bien être dans le portefeuille des daubasses du fait de sa décote sur actifs tangibles (c'est une net-net !) que dans le portefeuille d'Okavongo, car elle est liée à une matière première !
Il s'agit de la première société australienne que nous vous présentons. Bonne lecture !
Les chiffres utilisés pour la présente analyse proviennent du rapport semestriel arrêté au 31/12/2019 et sur la base d'un capital composé de 552,985 M actions.
--- L'entreprise valorisée 180 M USD à la bourse australienne est spécialisée dans l'achat d'actifs pétroliers offshore (exploitation en pleine mer via des plateformes pétrolières) et de leurs développements, pour ensuite soit les exploiter, soit les vendre. Ses zones géographiques de prédilection sont : le Pérou, le Brésil et l'Australie.
Introduit en bourse vers 0,16 AUD en 2003, l'entreprise lève des sous pour acquérir des actifs. Est ainsi acheté "Poseidon", du LNG australien dans le Browse Basin.
Cet actif sera revendu pour 600 M USD en 2014. Avec un complément de prix potentiel de +200 M USD ! Ça c'est du bonus, pas sûr qu'ils l'encaissent un jour.
Pour la petite histoire, le cours a atteint un plus haut à l'été 2009 à plus de 10 AUD : 10 / 0,16 = x62,5 en 6 ans. Pas mal.
Suite à à la vente de Posedion et à l'encaissement des 600 M USD, s'en est suivi pas mal d'achats de projets. Ils ont actuellement 6 gros projets en phase d'exploration à des stades relativement précoces.
Le gros de l'histoire c'est le projet géant de Bauna au Brésil.
La société travaille avec Petrobras (le vendeur) sur ce mega deal de 782 M USD (= 1 138 M AUD) depuis juillet 2019. Pour les détails, cf. p. 14 de cette présentation : https://www.karoonenergy.com.au/wp-cont ... aising.pdf
Pour cela, ils ont levé énormément d'agent auprès d'investisseurs avec une augmentation de capital de 284 M AUD (+305,5 M action) à un cours de 0,93 AUD. Super, du cash bien frais !
Et la société a aussi en parallèle préparé un crédit avec un pool bancaire pour 364 M AUD ! Afin de compléter le coût de l'acquisition.
Coup de théâtre le 12 mars dernier !
La société annonce faire une pause sur cette méga opération. Cf. communiqué officiel : https://www.karoonenergy.com.au/wp-cont ... 032020.pdf
Et publication le lendemain des comptes mi-annuels au 31.12.2019. Tiens. Bizarre le timing...
Les jours suivent des insiders rachètent pas mal de titres à des cours de moins de 0,40 AUD. Pas mal... puisque la société a une trésorerie nette représentant 0,90 AUD par action au 31 décembre 2019 !
Aujourd'hui, on a en effet une société avec une trésorerie nette de 496,5 M AUD (les 0,90 AUD par action). Le cours actuel, clôture du vendredi 17 avril, est de 0,52 AUD.
On a donc : 0,90 AUD (trésorerie nette) - 0,52 AUD (cours actuel) = 0,38 AUD de cash offert + 6 projets offshore en cours (qui ne valent probablement pas grand chose avec les cours du pétrole actuels).
A noter que l'acompte de 71 M AUD (potentiellement perdu) versé à Petrobras est déjà déduit de cette trésorerie nette. Il n'y a donc aucune mauvaise surprise à prévoir de ce côté.
Que va-t-il se passer désormais ?
3 scénarios :
1) Le scénario idéal :
Le deal avec Petrobras ne se fait finalement pas. La société garde son cash et cherche des opportunités qui ont apparu dernièrement (de préférence des actifs en production ! Même s'ils sont à l'arrêt car pour le moment non rentables), quelques petits dossiers et garde le reste de cash pour développer ses propres projets.
Pour la dette en train d'être levée : Karoon Energy annule purement l'opération de financement bancaire. Dans le meilleur des cas elle réussit quand même à lever cette dette, ou une partie de cette dette. Ce qui serait vraiment pas mal pour faire des acquisitions à bon compte dans le contexte actuel de valorisations des producteurs pétroliers au plus bas, dont de nombreux actifs au bord de la faillite et qui ne valent quasiment rien. Mais il ne faut pas trop y croire, car l'objet du financement changerait complètement...
Cette annulation du deal avec Petrobras est possible (même si le management et le board ont des gros biais : historique Brésil / Petrobras + biais d'engagement). Cf. cette petite phrase qui ouvre quand même la possibilité d'une annulation du deal :
Management de Karoon dans le communiqué du 12 mars 2020 a écrit :
"In the event the transaction does not complete, the deposit would be returned to Karoon, unless Karoon is responsible for the failure to complete in which case the deposit would be forfeited to Petrobras."
2) Le scénario moyen :
Le deal avec Petrobras se fait (board et management trop mouillés, trop engagés pour reculer), mais à un prix revu fortement à la baisse. Dans ce cas, la dette ne serait peut-être pas entièrement levée, voire annulée ? Dans ce scénario, on pense que Karoon aurait encore une trésorerie nette largement positive pour financer à l'aise d'autres projets d'acquisition.
Ce scénario est validé par la petite phrase du Managing Director de Karoon Energy, qui considère que le deal doit se faire dans des conditions "acceptables" au regard du contexte actuel qui change complètement la donne :
Ainsi que ce passage :Robert Hosking a écrit :
Karoon is always looking to create value wherever it can be found for its investors and we will work through the current environment in an attempt to complete this acquisition successfully to the satisfaction of the stakeholders involved.
Management de Karoon dans le communiqué du 12 mars 2020 a écrit :
While Karoon is conscious of current financial market conditions, Baúna is a quality asset and the Company will work towards to completing the transaction on acceptable terms for shareholders.
3) Le Scénario foireux :
Karoon fait quand même le deal au prix prévu. Et là, c'est pas fameux... Peut-être créateur de valeur à long terme, mais un désastre à court terme !
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Il semble réaliste de tabler sur une scénario entre le 1) et le 2). Soit un achat vraiment au rabais, soit une annulation. Dans le cadre d'une annulation (le scénario préféré !), on a alors une équipe émérite avec un pactole qui pourrait rafler pas mal de beaux actifs à travers le globe. Dans l'idéal, des actifs déjà productifs = sans les risques liés au développement d'un nouveau site, que ce soient les coûts dépassés, les mauvaises surprises sur les réserves, ...
Le top serait d'aller chercher des actifs en dehors du offshore (la spécialité historique de la société). Donc du onshore conventionnel, classique, plus rentable (frais de fonctionnement réduits) notamment au niveau maintenance et production.
En attendant d'éventuelles acquisitions, l'actionnaire actuelle a une belle trésorerie nette par action de 0,90 AUD. Et en bonus, des projets dans des zones géographiques assez stables géographiquement (Pérou, Brésil et Australie).
Il existe bien sûr le risque des cibles potentielles achetées. Si elles sont foireuses, c'est double effet kisscool... disparition du cash - et donc de la marge de sécurité - et on se retrouve avec des actifs peu générateurs de cash... C'est donc un pari sur l'équipe de direction à prendre en ce moment les bonnes décisions stratégiques pour créer de la valeur pour les actionnaires dans les 10 ans à venir.
Le contexte est optimal pour la société : elle a les capitaux et les compétences. Les actifs pétroliers et gaziers sont actuellement bradés. Il y a donc "juste à" saisir les bons actifs à la dérive pour créer significativement de valeur pour les actionnaires.
Potentiel par rapport aux cours de l'énergie
Si les cours du pétrole et du gaz venaient à repartir significativement à la hausse (par exemple +50% en quelques semaines) et que la société n'a toujours pas trouvé (et acquis) des cibles intéressantes, le titre perdrait alors de son aspect spéculatif de "potentiel prédateur opportuniste". Car de la trésorerie dormante c'est bien, mais ce n'est pas non plus folichon en terme de création de valeur.
Pour terminer, 2 points à surveiller :
Attention : il y a un gros biais Brésil car pas mal d'anciens gros bonnets de Petrobas au sein du board de Karoon Energy. Il ne faut pas que cela les influence trop à aller au Brésil coût que coût...
Autre élément de prudence : on est sur de l'offshore = grosses infrastructures (CAPEX initiaux élevés) pour des prix de revient élevés en prenant compte ces coûts initiaux. Ce type d'investissement est très risqué dans un climat des cours de pétrole dégradés et fortement volatils.
On vous fera suivre les évolutions à venir au cours des prochaines semaines...
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Cette idée d'investissement permet de bien diversifier son portefeuille sur une valeur "pétrole / tirelire" et de déléguer à une équipe professionnelle du secteur, au talent déjà prouvé, la possibilité d'acheter des actifs pétroliers dans un contexte de cours de pétrole complétement à la ramasse.
Bien sûr, petite ligne et diversification sur ce genre de titre. Comme toujours.
On ne s'enflamme pas.
Qu'en pensez-vous ?