Analyse au 22/11/2020
Cours à cette date : 0,72 CAD
Nb actions : 48,4 millions
Capitalisation : 35 mCAD
Cash au 30/09/20 : 2,4 mCAD
Dette au 30/09/20 : 2,9 mCAD
EV : 35,5 mCAD
EV / Ebitda transformé ici en EV / profit opérationnel « conservateur » (sur 9 mois de 2020)
Ratio = 35,5 / 1,1 = 32
La pirogue manque de potasse et de belles histoires. Verde Agritech nous offre les 2. Mais notre petite embarcation, spécialiste des ruisseaux de traverse, ne fait pas les choses à moitié. La potasse est sous une forme particulière et l'objectif de Verde est de sauver la planète !
Pour une fois, l'approche quantitative ne sera ici pas notre motivation principale. Alors, autant évacuer d'entrée cet aspect. Verde est « presque » en situation de cash net. Nous avions déjà « tordu » un peu ce critère avec Atico Mining. Mais Atico était très profitable. Ce n'est pas (encore ?) le cas avec Verde ou un ratio ressemblant à EV/EBITDA donne un chiffre supérieur à 30. Mais attention aux ratios, car si je le calcule sur la base du seul dernier trimestre, il est à 6. Et ne veut rien dire, car Verde a une activité saisonnière... Au niveau quantitatif, on se contentera donc du « presque » cash net, de la profitabilité qui arrive et d'une marge brute confortable (67%).
Mais alors où est la valeur ? Dans le projet. Je passe sur les chiffres de NPV (Net Present value) car il nous donnerait le tournis et pour faire avancer une pirogue, il faut ramer. Et non pas rêver la tête dans les étoiles. A la rigueur, avec une société de royalties, on peut se laisser porter par le courant. Pas ici. Chez Verde on a besoin de toute l'énergie du management, des équipes commerciales et marketing pour que la « success story » se réalise.
Il était une fois un piroguier qui s'intéresse aux secteurs de matières premières. Après le secteur des mines juniors et autres explorateurs dans les métaux précieux, il tente une expérience dans la potasse (utilisation principale, les engrais). L'objectif est de trouver des projets de mines low-cost qui pourraient un jour concurrencer les géants du secteur. La potasse, c'est l'image d'Epinal d'un cartel qui contrôle les prix pendant des années. Mais en 2014, un vilain petit canard low-cost russe, Uralki, décide d'augmenter ses parts de marchés et se lance dans la guerre des prix. Nous voilà face à un bouleversement qui a englouti des milliards de dollars. Par exemple, BHP a déjà dépensé 2,7 milliards de dollars dans un mega projet au Saskatchewan qui est à l'arrêt. Il manque presque 5 milliards d'investissement pour rendre la mine opérationnelle. C'est les limites du cartel, si de nouveaux entrants veulent une part du gâteau et que l'on n'est pas partageur, alors le cartel ne tient plus.
Pour revenir à notre piroguier, Okavongo, il achète quelques petites lignes de juniors et continue à suivre le secteur. Il rate de peu Verde, car il tombe sur la valeur juste après une hausse spectaculaire. Pas dans son esprit radin de courir après le cours. Il continue sa navigation potassière couvant du regard sa belle Erythérenne, reine du désert du Danakil. Des années plus tard, le secteur de la potasse souffre toujours (sa sélection de valeurs aussi) et il retombe sur Verde.
Le premier achat est fin février 2020. Le raisonnement est alors basique : on aura toujours besoin de potasse pour les cultures (malgré l'épidémie) et la mine de Verde est d'une simplicité désarmante. Trouver des images de la mine et du projet n'a pas été facile à ce moment là. Pourquoi ? Car ce n'est pas spectaculaire : on creuse, on broie et on met en sac. Génial

Pour éventuellement augmenter son investissement, notre chercheur de pépites doit mieux comprendre les entreprises. Et en creusant, il s'aperçoit que Verde n'est pas l'histoire simplissime qu'il avait cru voir. Pas coté mine, mais coté produit. Car nous ne sommes pas avec de la potasse classique mais avec un produit contenant de la potasse. Extraire de la potasse de ce mix serait trop coûteux. Il faut donc commercialiser le produit en tant que tel. Sacré challenge qui change la donne !
Le marché de la potasse est principalement divisé entre MOP (muriate de potasse) et SOP (sulfate de potasse). Pour faire simple, le MOP est la forme de potasse la moins chère et la plus courante. Mais il contient du chlore (ou quelque chose du genre), qui peut être mauvais pour des cultures plus fragiles, comme les légumes. Lesquelles utilisent alors le SOP, plus cher mais moins « agressif ». Verde extrait de la glauconite, un minerai verdâtre contenant 10% de potasse (contre 50% dans le SOP). Les noms commerciaux du produit sont K Forte au Brésil et Super Greensand à l'export. Le nom n'est pas choisi par hasard. Il fait référence à la glauconite du New Jersey, connue sous le nom de Greensands et contenant 6% de potasse. Cet engrais est connu depuis longtemps, on trouve d'ailleurs sur le web une étude de 1922. C'est un peu une « potasse du pauvre » qui a été utilisé en période de vaches maigres.
L'inconvénient majeur de la faible teneur en potasse est d'ordre logistique. Car transporter de la potasse est coûteux. Le cours par m3 est équivalent au minerai de fer, pour lequel la chaîne logistique est cruciale dans l'exploitation d'un gisement. Heureusement, Verde extrait sur son marché principal, le Brésil. Cela annule l'inconvénient de la teneur au niveau coût de transport, mais il faut aussi oublier l'avantage de la proximité. Match nul.
Nous pouvons écrire maintenant une première fin pour cette histoire dont Verde est le héros. La glauconite est vendue, au prix du marché, comme source de potasse. La mine se développe comme prévue selon 3 phases successives. A ce jour, il manque encore des permis et des capitaux pour atteindre la pleine capacité, mais il n'y a pas d'obstacles majeurs. Un développement prudent, par un CEO qui veut garder le contrôle, doit permettre à l'investisseur patient de s'exposer d'une manière originale au marché de la potasse.
Si Christiano Veloso, CEO de Verde, veut garder une part importante de son bébé (17,75% à ce jour), il a aussi beaucoup d'ambition. Son but est d'améliorer la santé des gens et de la planète. Pas très attractif pour un investisseur à sang froid... Mais cohérent avec son produit. Car si Verde Potash est devenu Verde Agritech, c'est que la glauconite c'est plus que de la potasse.
K Forte contient aussi : silicium 25% - magnésium 1,5% - manganèse 0,1% - zinc 0,01% - cobalt 0,002%. Le challenge de l'équipe de Verde, c'est de valoriser ces autres composants. Ils ont un intérêt pour les plantes (magnesium) et pour les sols (silicium). Mais les clients sont-ils prêts à payer plus que la seule source de potasse ? A ce jour non. Mais Verde communique (interview client sur YouTube) et cherche à démontrer (études sur les cultures). C'est la fin alternative, celle où la belle histoire pour la planète devient aussi une belle histoire pour l'investisseur.
Okavongo, qui aime les belles histoires exotiques, et a peut-être aussi envie de rentabiliser des heures de recherche (attention au biais d'ancrage), augmente son exposition à Verde et embarque la valeur dans la pirogue.
Epilogue (ou retour sur terre) : attention, le Brésil est une terre difficile pour faire du business. C'est toujours un critère secondaire pour la pirogue mais peut-être pas pour vous.
A part ça, la mine a une durée de vie longue (36 ans), le siège de Verde Agritech est en Grande Bretagne mais Binck ne le propose pas en PEA (car cotation Canada), le CEO communique beaucoup et de manière assez transparente, y compris en répondant aux questions des investisseurs dans des sessions vidéo, le K Forte est compatible avec l'agriculture bio et joue aussi la carte de spécialiste de l'agriculture tropicale.
Verde et son CEO « envoient » du rêve entre étude de pré-faisablité alléchante (mais attention ce n'est qu'une PFS) et discours enthousiaste. Ça fait un peu peur et il faut être prudent. Mais pour une valeur dans une pirogue diversifiée, je crois que l'on peut tenter l'expérience. C'est notre alibi « ESG », notre exception « growth potentielle » et notre vitrine « techno »
