Si par contre, vous être prêt à regarder un dossier qui dégage des résultats remarquables depuis des années et dans lequel l’associé majoritaire continue d’investir massivement, alors prenez 5 minutes pour lire ce post.
Prix du titre au jour de la présente analyse : 116 €.
Suivi des achats des initiés
Entre la fin du mois d’octobre et le 11 novembre 2020, Pixel Holding, l’actionnaire majoritaire de TESSI a acheté 262 750 titres à 120 € pour un total de 31,5 M€. Cela représente 8,06 % du capital. Ces titres ont principalement été rachetés à Sycomore Asset Management (3,43 % du capital) et Amiral Gestion (4 % du capital).
Pixel gère une partie des fonds de familles d’entrepreneurs français tels les Dentressangle et les Decaux. On y retrouve aussi du beau monde avec entre autres Claude Bébéar et Jean-Bernard Lafonta.
Avec ces derniers achats Pixel détient désormais 82,25 % du capital et 87,67 % des droits de votre de Tessi.
La prise de contrôle de TESSI par Pixel s’est faite en plusieurs étapes depuis 2016 :
• Janvier 2017 achat du bloc majoritaire du dirigeant et propriétaire de Tessi, Marc Rebouah, à 132,25 € par titre.
• Février / mars 2017, OPAS au prix de 132,25 € par titre
• Février 2019 nouvelle OPAS au prix de 160 € par titre
• Décembre 2019 sur-souscription à l’augmentation de capital au prix de 140 € par titre.
• Octobre et novembre 2020 achat sur le marché et hors marché à 120 € par titre.
A ce jour, restent deux fonds au capital : Moneta et fidelity avec 7 % du capital chacun. Le solde, ou le véritable flottant, est donc de moins de 4 %.
Les offres successives de ces dernières années me donnent l’impression claire de Pixel veut prendre intégralement le contrôle de Tessi et la sortir de la cote. Une OPRO dans un futur proche me semble être une hypothèse très réaliste. Aucune opération n’est possible jusqu’au mois d’avril 2021, faute de quoi Pixel devrait payer un complément de prix à Sycomore et Amiral. Je ne serai donc pas surpris d’un retrait de cote dans la deuxième moitié de 2021 ou en 2022.
Une possible opération de retrait est toujours aléatoire et ne saurait être la seule justification pour un investissement. Je vais donc m’intéresser au dossier TESSI pour déterminer si j’ai envie d’imiter les initiés et acheter moi aussi.
La société
TESSI a été créée en 1971 avec une activité de saisie des données. L’entreprise a été rachetée par Marc Rebouah en 1979. Elle s’est spécialisée dans le traitement automatisé des chèques pour le compte de banques clientes. C’est cette activité qui a permis le fort développement du groupe.
Tessi a fait beaucoup de croissance externe et se présente aujourd’hui comme entreprise de services numériques reconnue pour son expertise en Business Process Services. Le groupe accompagne ses clients, notamment les banques, dans leur transformation digitale avec un large panel de services :
• La digitalisation des processus documentaires.
• Le back office métier.
• L'aide à la gestion des relations clients et marketing.
• Le conseil et l'intégration.
• L'édition de logiciels.
• Data center et de cloud computing.
TESSI est présent dans 14 pays et emploie 13 000 collaborateurs. Son CA de 2019 s’est élevé à 452 M€.
Tessi est coté depuis 2001. Le groupe est sur Euronext au compartiment B. Il est éligible au PEA et au PEA PME.
Les comptes
Comptes annuels au 31/12/2019
Au compte de résultat :
• Le CA s’établit à 452 M€. Il est forte croissance depuis les 290 M€ de 2015. L’activité progresse en moyenne de 11,6 % par an. Attention : cette croissance s’est avant tout faite à coup de croissance externe. Nous en reparlerons au bilan.
• Le résultat opérationnel courant se monte à 46 M€, ou 10,2 % des ventes. Cela peut paraître un bon résultat… mais c’est le plus mauvais ratio de rentabilité opérationnelle depuis 2015. La moyenne sur 5 ans est de 11,6 %.
• Le résultat net comptable, part du groupe, s’élève à 35 M€, très légèrement au-dessus de la moyenne des 5 dernières années (34 M €).
Tessi fait donc apparaître une performance financière très solide. Son PER de 10,86 est particulièrement raisonnable, surtout pour une société de services informatiques.
Le Return On Equity moyen sur les 5 dernières années est de 17,5 %. En 2019, c’était 18,7 %. Là, on est franchement dans l’excellence. Malheureusement, les choses vont se dégrader lors de l’étude du bilan.
Au bilan :
Les capitaux propres, part du groupe, se montent à 182 M€.
Côté actif, le poste le plus important est le goodwill pour 302 M€, en TRES forte croissance ces dernières années : il n’était que de 131 M€ en 2015. Le groupe fait de la croissance externe et en paie le prix. Pas la peine de faire un calcul de la VANT.
TESSI N’EST PAS UNE DAUBASSE !
L’endettement est en nette augmentation depuis 5 ans, mais il reste maîtrisé : 101 M€ de dette nette au 31 décembre 2019, soit 54 % des fonds propres. Rien d’inquiétant pour un groupe qui dégage beaucoup de trésorerie.
Le BFR d’exploitation représente 81 jours de CA et n’appelle pas de commentaire particulier.
Flux de trésorerie :
C’est indiscutablement l’un des points forts de ce dossier. Tessi génère du cash, et même beaucoup de cash par rapport aux capitaux investis.
L’exploitation a généré ces 5 dernières années des flux de trésorerie cumulés de 224 M€, soit 60 % de la capitalisation boursière ce jour. En 2019, le flux de trésorerie d’exploitation s’est monté à 37 M€ en léger retrait par rapport à l’exercice précédent en raison d’une dégradation du BFR.
Tessi utilise cette manne pour :
• Investir dans son outil de production pour un montant net de 39 M€ en 5 ans ;
• Procéder à des opérations de croissance externe : 187 M€ en net au cours des 5 dernières années.
Le solde des opérations de financement est lui quasiment nul sur 5 ans, l’augmentation des emprunts et du capital ayant schématiquement servi à payer des dividendes confortables (203 M€ en 5 ans ! pour une capitalisation de 378 M€).
Le cash return des capitaux employés est en moyenne depuis 5 ans de 24 %. Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu une performance aussi remarquable depuis bien longtemps. TESSI N’EST PAS UNE DAUBASSE ! Le cash return de 2019 se monte à 14 %.
Les capitaux propres par titres ont reculé depuis 2015, passant de 62,05 à 55,83 € sous l’effet de dividendes très (trop ?) généreux. Tessi fait le choix de rendre le plus possible à ses actionnaires. On apprécie ou pas cette politique. Personnellement, elle me convient parfaitement. En prenant en compte le recul des capitaux propres ainsi que les dividendes, j’obtiens une création de valeur annuelle moyenne pour l’actionnaire de 11,8 % entre 2015 et 2019. Pas exceptionnel, mais plus que correct.
Comptes semestriels au 30/06/2020
Les ventes progressent légèrement, passant de 228,9 M€ sur le S1 2019 à 230,4 M€ au S1 2020. Cette progression est en trompe-l’œil. Les acquisition récentes, ADM Value et Orone pèsent à hauteur de 32,9 M€ dans les ventes semestrielles les plus récentes.
En proforma, l’activité recule de 9,6 %, avec - 1,3 % au T1 et - 18,0 % au T2. Le confinement a eu ici un effet moins dévastateur que dans d’autres secteurs d’activité, mais il se fait quand même sentir.
Le résultat opérationnel courant s’élève à 17,1 M€ ou 7,4 % du CA. Le groupe a moins bien amorti ses charges de structure qu’habituellement. Le ROC recule de 24 % en un an.
Le résultat net part du groupe se monte à 4,3 M€. Il y a deux façons de percevoir ce résultat :
• C’est un gros recul par rapport au 10,2 M€ des semestriels 2019 et un encore plus gros recul par rapport au 13,4 M € des semestriels 2018.
• C’est une performance honnête dans des conditions de marché extrêmes. Cela démontre la résilience du modèle et des états financiers de Tessi.
A chacun de choisir la version qu’il préfère !
Côté bilan, il y a un seul changement significatif : la dette nette qui était du 101 M€ fin 2019 passe à 79 M€ en juin 2020. Cette excellente nouvelle fait passer le ratio dette nette / CP à 42,3 %.
La génération de trésorerie s’est améliorée sur le semestre : + 52 M€ de cash-flow d’exploitation (contre 8 M€ en 2019 et 18 M€ en 2018). Le groupe notamment très bien géré son BFR avec un compte clients qui recule sensiblement. Il n’y a sans doute pas d’inquiétudes à avoir de ce côté-là. Tessi a peu investi sur les six premiers mois de 2020 : 8M€ en valeur nette. Le groupe a suspendu le paiement de son dividende.
Je dois avouer que j’aime bien les sociétés pour lesquelles j’espère une sortie de cote prochaine et pour lesquelles les cash-flows sont meilleurs que les résultats comptables (petite dédicace à Gaumont par exemple

La valorisation
Si vous m’avez suivi jusqu’ici, vous l’aurez compris : TESSI N’EST PAS UNE DAUBASSE ! J’oublie donc le calcul de VANT.
Pour les comparables et multiples, je retiens dans un premier temps la même liste que celle de l’expert mandaté pour l’OPAS de 2019, à savoir Quadient (Néopost à l’époque), Cegedim et Infotel. Je retiens la même méthodologie que l’expert à savoir une valorisation sur la base des ratio VE / CA ; et VE / EBIT. J’ai laissé de côté le ratio VE / EBITDA qui me semble ne rien apporter dans ce secteur d’activité peu intensif en capital. En adoptant cette méthodologie, mes calculs me donnent une valeur cible de 195 € par titre.
Pour ceux que cela intéresse, voici le lien vers les documents de l'OPAS de 2019, avec en particulier la valorisation faite par l’expert indépendant. C’est toujours une lecture intéressante. https://www.tessi.eu/fr/investisseurs/i ... eurs-opas/
En élargissant le panel pour prendre en compte des entreprises de services numériques plus généralistes, ce que Tessi essaie de devenir, j’obtiens une valeur cible de 200 € par titre (VE / EBIT moyen de 16,4 pour le secteur).
Tessi vient de céder ses activités en Espagne. Cette cession s’est faite sur la base de 21 fois l’EBIT (vente à 17 M€ pour une activité qui dégageait un CA de 83 M€ et un EBIT de 0,8 M€). En appliquant le même ratio à Tessi on obtiendrait une valeur de 265 € par titre.
Mon modèle de DCF me donne une valeur intrinsèque du titre de 179 €.
J’ai aussi en point de référence l’OPAS de 2019 à 160 € par titre.
En prenant en compte ces différents éléments, je fixe un objectif de cours de 180 €. Il fait apparaître un potentiel d’appréciation de 55 % par rapport au cours actuel.
Ma position
Lorsque j’investi dans une valeur, j’attends habituellement un potentiel de hausse supérieur à ces 55 %. Mais, ici, le risque me semble limité et l’horizon de temps sans doute assez court.
Je me suis donc positionné hier à 116,5 € par titre.
Le risque est limité parce Tessi est une très belle entreprise qui dégage des résultats impressionnants depuis des années. Même en cette année si particulière, Tessi dégagera un beau bénéfice. Par ailleurs l’appétit de l’actionnaire ultra-majoritaire pour le dossier montre sa confiance. Enfin, la forte génération de cash-flow, y compris lors des derniers semestriels, est un gage de sécurité important.
Pour autant, le risque n’est pas nul. Il conviendra d’être très vigilant sur la dégradation des marges. Par ailleurs comme toute société dont le bilan est lourdement lesté en écart d’acquisition, il faut espérer que les intégrations des nouvelles sociétés ne passent bien et ne nécessitent pas d’amortissement des survaleurs suite aux impairment tests.
En ce qui concerne l’horizon de temps, je crois que Pixel pourrait profiter d’un cours déprimé par la crise actuelle et de résultats en baisse pour faire une proposition pas trop onéreuse. Je mettrai volontiers une petite pièce sur une opération de retrait en 2021… et si ce devait être le cas, je serai content d’apporter mes titres, même à 160 € : 38 % en un an, c’est toujours bon à prendre !
Snowball