Ce sera probablement ma dernière financière analysée sauf découverte d'une pépite extraordinaire
Cette banque ressort suite à un travail sur toutes les institutions financières japonaises valorisées moins de 0,6x les capitaux propres. Il y en a des dizaines...
Au cours actuel de 576 JPY elle est valorisée 275,4 Md JPY soit 2,1 Md $. Encore une plus petite banque que Bank of Kyoto (3,5 Md $).
Quelques ratios et éléments de valorisation :
> valorisée 0,32x ses fonds propres
> levier total bilan / fonds propres (31.12.2022) = 11 940,1 / 860,8 = 13,9x
> elle n'a généré aucune perte sur les 10 dernières années, avec un plus bas de 44,3 JPY par action sur l'exercice 2013 et un plus haut de 60,3 JPY par action en 2016
> le bénéfice moyen sur 10 ans est de 51,10 JPY par action soit un multiple de bénéfices de 11,3x au cours actuel
Pourquoi cette banque est particulièrement intéressante ?
1/ Une bonne allocation du capital
Alors qu'elle a un capital éclaté avec un flottant > 80% avec les traditionnels actionnaires moutonniers et conservateurs habituels (= essentiellement d'autres institutions financières japonaises), Hachijuni Bank a avancé sur de nombreux points pour créer de la valeur :
a) Elle rachète régulièrement ses propres actions sur le marché pour les annuler.
A la clôture de l'exercice 2012 (31.03.2012) son capital était composé de 521 103 411 actions dont 10 079 270 actions auto-détenues. Soit un solde net de 511 024 141 actions.
Selon le dernier rapport publié (T3 arrêté au 31.12.2022), son capital est composé de 491 103 411 actions dont 7 820 793 actions auto-détenues. Soit un solde net de 483 282 618 actions. En baisse de 5,4% sur la période. Pas incroyable. Mais je remarque l'effort, surtout depuis 2018 avec par année des montants de rachats conséquents :
- 2018 : 1,8 Md JPY
- 2019 : 4,0 Md JP
- 2020 : 3,0 Md JPY
- 2021 : 0
- 2022 : 0
- 2023 (exercice en cours) : 3,0 Md JPY
Rachats auxquels il faut ajouter les récentes opérations :
+3,0 Md JPY en février 2023
+4,0 Md JPY en mars 2023
Les achats mensuels récents sont l'équivalent des niveaux annuels des années 2018 à 2020 !
Au passage, on peut regretter le manque d'opportunisme du management car les cours étaient au plus bas lors des années 2021 - 2022, la seule période où il n'y au aucun rachat d'actions...
b) Elle communique en anglais ses rapports financiers et propose même des présentations en anglais pour les résultats semestriels et annuels.
Lien pour les ressources en anglais : https://www.82bank.co.jp/english/
On part donc déjà sur une bonne base relative en terme de gestion sans la présence d'un investisseur activiste au capital.
2/ Un joli portefeuille d'actions
Comme pour Bank of Kyoto, Hachijuni Bank est une des rares banques dont la capitalisation boursière est inférieure à la valeur de son portefeuille historique d'actions.
Au 31.03.2022, la rapport annuel stipule que le portefeuille de 124 actions cotées (!) est valorisé 419,4 Md JPY soit 1,5x la valorisation boursière actuelle :
source : rapport annuel 2022 traduit en français
Certes, de l'eau a coulé sous les ponts depuis le 31 mars 2022 mais après vérification des plus grosses participations, ce portefeuille d'actions dépasse largement encore la capitalisation actuelle de Hachijuni Bank.
A noter une très grosse participation dans le chimiste Shin Etsu Chemical (4063) de 11 790 677 actions au 31 mars 2022, soit 58 953 385 actions après le split de 5:1 du 30 mars 2023. Avec un cours actuel de 4 155 JPY, cette participation vaut 268,5 Md JPY. Tout juste en dessous de la capitalisation actuelle de Hachijuni Bank de 275,4 Md JPY.
En comparaison, le 2ème plus grosse ligne est constituée de 1 410 892 actions Nidec (6594). Au cours actuel de 6 760 JPY, cette ligne est valorisée 9,5 Md JPY. C'est dire le gap entre la première ligne et les 123 autres lignes du portefeuille d'actions de la banque.
A noter que si Hachijuni Bank est le 6ème actionnaire du chimiste Shin Etsu Chemical avec 2,91% du capital, cette dernière est également au capital de la banque. En position numéro 6 avec 2,41% du capital de Hachijuni Bank. Vive les participations croisées... "je me tiens, tu me tiens par la barbichette...".
3/ Un dividende généreux
Un autre point rassurant, dans ses objectifs 2022-2025 intitulés "Medium-Term Management Vision 2021 Initiatives" la banque s'est donnée pour objectif de distribuer tous les ans 40% ou plus de ses bénéfices : "FY2022 ~ FY2025: 40% or higher, annually". Excellent point. Contrairement à Bank of Kyoto, Hachijuni Bank n'a pas pour objectif de retenir coût que coût (d’opportunité) les capitaux dans le bilan. Plutôt une bonne chose car la banque a un ROE qui oscille historiquement entre 2% et 3%.
Le retour aux actionnaire pour l'exercice 2023 (avril 2022 - mars 2023) est à la fois généreux pour une entreprise et encore plus particulièrement pour une banque avec une prévision de distribuer 9,3 Md JPY = 40,8% des bénéfices de l'exercice attendus à 23 Md JPY sous forme de dividendes + 10 Md JPY sous forme de rachats d'actions. Soit un retour total de 19,3 Md JPY sur un bénéfice de 23 Md JPY = 84,3% retourné aux actionnaires. Bravo !
4/ Les participations croisées
Elles sont une plaie pour les actionnaires et expliquent la sous-valorisation chronique des actions japonaises. Elles sont une des principales causes de surcapitalisation des bilans (ROE faibles) et une des raisons de la piètre qualité et efficience des conseils d'administrations, verrouillés par ces contrôles croisés.
Hachijuni Bank se veut exemplaire en la matière : elle prévoit de réduire sur 5 ans (mars 2021 -> mars 2026) de 20% ses participations croisées. Peut mieux faire, mais j'apprécie la démarche.
source : présentation semestrielle - novembre 2022
Conclusion
Je ne dis pas que c'est l'affaire du siècle, surtout dans un environnement inflationniste où le risque de taux (notamment sur la valeur des obligations à maturité longue) est importante pour les banques.
Mais je pense que cette banque a une gestion cohérente, créatrice de valeur avec des retours aux actionnaires importants. Le tout avec des collatéraux tangibles solides (cf. le portefeuille d'actions).
Il faut quand même être assez serein avec la très grosse ligne d'actions Shin-Etsu Chemical.
Pour se protéger de ce risque, il est toujours possible d'être long sur Hachijuni Bank et de shorter Shin-Etsu Chemical (il y a plus de 24 millions d'actions disponibles à la vente à découvert selon InteractiveBrokers pour un coût d'emprunt de 1,047% annuel)
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Pour terminer, je colle le lien d'un article paru la semaine dernière dans le journal Japan Times au titre évocateur Regulator urges local banks to improve asset portfolio management avec un extrait :
Si le régulateur est positif sur l'activisme actionnariale, c'est la cerise sur le gâteau.Japan’s roughly 100 regional banks held ¥87.3 trillion in securities at the end of September, Japanese Bankers Association figures show. Listed regional lenders had ¥1.4 trillion in unrealized losses on foreign bonds and other securities as of December, although these were more than offset by gains in their stock holdings, according to SMBC Nikko Securities.
(...)
The Financial Services Agency (FSA) has been urging regional lenders to come up with viable business models as the rural population shrinks rapidly. Shibat, senior official in charge of regional bank oversight at the FSA, said banks need to take advantage of deregulation that allows them to enter businesses beyond the traditional practice of collecting deposits and lending out the money.
"Even if they don’t need cash, companies have various management issues such as labor shortages and business succession,” he said. Banks can play a role by offering services such as advice on mergers and acquisitions and even talent matching, he added.
Shibata isn’t convinced that mergers are a solution for regional banks’ woes. "A combination of two old-style banks would only create one bigger old-style bank,” he said. "I would call for bank transformation rather than consolidation.”
(...)
Another challenge is shareholder engagement. Regional lenders were in the spotlight during last year’s shareholder meeting season, when Silchester International Investors made proposals to Bank of Kyoto and three other banks to change their dividend policies.
Shibata said publicly traded banks are no different from other listed companies. "They have to engage with shareholders including activists, and they have a responsibility to explain their capital policy,” he said.