Assemblée générale du 27 juin 2025
J'ai assisté à l’Assemblée Générale qui s’est tenue à Lyon le 27 juin. Voici les principaux éléments que je retiens.
La réunion s’est déroulée au 7ème étage d’un immeuble moderne, niché au cœur du centre de congrès de Lyon, avec une vue imprenable sur le Rhône et les collines environnantes.
L’Assemblée a été animée par Éric Jacquet, Président-directeur général, et Thierry Philippe, Directeur général en charge des finances. Jean-Philippe Clément, avocat et conseil extérieur de la société, était présent pour veiller au bon déroulement des formalités légales. Comme le veut l’usage, les commissaires aux comptes (Grant Thornton et Ernst & Young) étaient également représentés.
Notons la présence d’une poignée d’actionnaires, ainsi que celle d’Ambre Jacquet (18 ans), fille d’Éric Jacquet. Arrivée avec quelques minutes de retard (elle n’a pas encore
la sagesse de Mathilda Baudecroux), elle a été nommée administratrice lors de cette AG.
Aucun rafraîchissement ni collation n’a été proposé. Les pique-assiettes sont donc restés chez eux.
Présentation de la société
Éric Jacquet a introduit la séance avec un rappel des fondamentaux du groupe :
- Jacquet Metals opère sur des marchés de niche représentant environ 6% de la production mondiale d’acier.
- Le groupe achète des aciers dont les délais de production varient de 2 à 12 mois, pour ensuite les stocker au plus près des clients via 123 centres de distribution répartis dans 24 pays.
- Le portefeuille clients compte 65 000 industriels de toutes tailles, implantés dans 60 pays, avec une facture moyenne d’environ 3 000 €.
- Les délais de livraison sont courts : de 48 heures à une semaine.
- Le groupe emploie 3 400 collaborateurs, et réalise plus de 90 % de son chiffre d’affaires hors de France.
- Organisation en trois divisions :
- Jacquet et Stappert : distribution d’acier inoxydable (50% des ventes)
- IMS Group : distribution de métaux pour la mécanique (50% des ventes)
- Principaux débouchés : mécanique générale, machines-outils, agroalimentaire, pharmaceutique, chimie, pétrochimie, énergie, environnement (eaux usées, dessalement, incinération), défense (essentiellement IMS Group). À noter que la défense ne constitue par le principal débouché du groupe, mais le secteur connaît actuellement une dynamique soutenue.
Responsabilité environnementale
Les principales émissions de gaz à effet de serre proviennent de l’amont de la chaîne (scope 3), c’est-à-dire des producteurs de métaux, qui représentent 58 % des émissions totales. Jacquet Metals, de son côté, relève du scope 2, et ne représente que 1,2% des émissions.
Principales initiatives environnementales :
- Installation de 17 500 m² de panneaux solaires
- Recyclage de 100% des déchets industriels
- Sourcing privilégié de métaux recyclés (actuellement 75% des achats, part appelée à croître)
Faits marquants 2024
- Résultats honorables et conformes aux attentes, dans un contexte économique difficile.
- Marge brute en hausse de +0,9 point, grâce à une politique d’approvisionnement optimisée (plus d’achats asiatiques) et à la baisse des PMP.
- Hors inflation, les charges fixes reculent de 6 M€, notamment grâce à une réduction des effectifs de 70 personnes.
- Forte génération de trésorerie : une capacité d’autofinancement (CAF) de 176 M€, ayant permis de financer les investissements, les acquisitions et de réduire le ratio d’endettement (gearing) à 27% (contre 31% fin 2023).
- Division IMS affectée par le ralentissement du secteur manufacturier en Allemagne.
- Anticipation d’une réduction de 35 % des capacités en Allemagne (effectifs et surfaces)
- Les coûts de restructuration sont déjà provisionnés dans les comptes, mais 15 M€ de décaissements sont prévus en 2025-2026.
- 10 M€ d’économies annuelles attendues à l’horizon 2027 (et 4-5 M€ dès 2025, en retrait par rapport aux
7 M€ annoncés en mars).
- En parallèle, arrêt de la distribution de produits à faible valeur ajoutée en Pologne et en Turquie.
- Fermeture du plus grand dépôt du groupe, à Düsseldorf, d’ici fin 2026 (bail initialement prévu jusqu’en 2030).
- Acquisition de Commerciale Fond (distribution de produits aluminium en Italie), générant un badwill de 4,5 M€.
Exercice 2025
- Début d’année 2025 dans la continuité de 2024 : demande faible, pression sur les prix.
- Pas encore de reprise visible, mais le groupe poursuit ses investissements tout en pilotant étroitement ses stocks et ses coûts.
- Les opportunités d’acquisitions se raréfient, après deux exercices marqués par une forte activité dans ce domaine.
- Réduction attendue de 50 collaborateurs sur l’année.
Renforcement de la structure financière
- Nouveau financement de 72 M€ à échéance 2029, remplaçant un emprunt arrivant à maturité en 2024.
- Prolongation jusqu’en juillet 2027 du crédit syndiqué non utilisé (160 M€).
- En avril 2025, remboursement anticipé d’un financement de 146 M€ (initialement échéance 2026), refinancé partiellement à hauteur de 80 M€ jusqu’en 2030.
-> toutes ces opérations ont permis un allongement de la maturité de la dette.
Immobilier
- Fin 2024 : 60 % des surfaces exploitées sont détenues en propre. Ce chiffre devrait atteindre environ 70% après la sortie du site de Düsseldorf.
- La stratégie consiste à louer d’abord, puis à acheter après 2-3 ans d’exploitation
- L’immobilier en propre réduit les charges fixes (loyers), ce qui constitue un avantage un bas de cycle
Actions auto-détenues
- Au 30 juin 2025, la société détenait 1 681 254 actions propres, soit 7,64% du capital, dont :
- 4,99% destinées à d’éventuelles opérations de croissance externe
- 2,33% prévues pour annulation
- Le Conseil d’administration qui s’est réuni à l’issue de l’AG a décidé
l’annulation de 484 500 actions (2,20% du capital), avec effet au 30 juin 2025.
Avis personnel
Je suis ressorti de cette Assemblée Générale avec un sentiment contrasté.
D’un côté, j’ai été rassuré par la gestion rigoureuse et prudente : réduction marquée des capacités en Allemagne face au ralentissement de l’activité manufacturière, arrêt de la commercialisation de produits à faible valeur ajoutée dans certaines zones géographiques, achat de sociétés sous leur valeur comptable, allongement des maturités de dette dans de bonnes conditions financières… Le tout en continuant à générer du cash malgré un contexte de demande faible. C’est sans doute indispensable dans un secteur aussi cyclique, mais cette capacité d’adaptation et cette maîtrise opérationnelle inspirent confiance.
La stratégie de développement de l’immobilier en propre me convainc également. Elle confère au groupe une forme de résilience patrimoniale qui, même si elle est peu valorisée par le marché, constitue un réel atout, surtout en bas de cycle.
En revanche, l’atmosphère de cette AG m’a paru étonnamment froide, avec un sentiment d’entre-soi difficile à ignorer.
La nomination d’Ambre Jacquet, âgée de 18 ans, au poste d’administratrice illustre bien cette impression. Si l’on peut comprendre la volonté de transmettre et d’ancrer la gouvernance dans une logique familiale, cette décision interroge sur le plan de la légitimité. Le fait qu’elle arrive en retard (même si ce n’est qu’un détail) n’aide pas à crédibiliser sa nomination.
Plus préoccupant,
deux résolutions (n°4 & 5) portant sur des conventions réglementées ont été massivement rejetées (sachant que les voix du concert familial étaient exclues du vote pour ces deux résolutions). Elles concernent des avenants de baux commerciaux entre Jacquet Metals et JERIC, société présidée par Éric Jacquet.
Ces résolutions ont recueilli 5 915 071 voix contre, soit 88% des voix exprimées et plus d’un quart de l’actionnariat. Pas anodin.
Une résolution de même nature avait déjà été rejetée
l’an dernier pour les locaux situés quai Charles de Gaulle à Lyon.
En 2024, Jacquet Metals a versé 1,7 M€ de loyers à des sociétés liées à la famille Jacquet. En voici le détail :
Même si les conditions contractuelles ont pu être jugées conformes au marché, une partie des actionnaires y voit manifestement une proximité excessive entre les intérêts familiaux et la société cotée.
On notera qu’Amiral Gestion et Moneta Asset Management détiennent à eux deux près de 3,5 millions d’actions (15,9% du capital). Il est raisonnable de penser qu’ils se sont opposés aux résolutions concernées.
Les résolutions 6 (conventions réglementées antérieurement autorisées), 7 (rémunération des mandataires sociaux) et 10 (politique de rémunération du PDG) ont également recueilli, respectivement, 23,1%, 21,4% et 16,8% de votes contre.
Cela me semble être un signal assez clair que la gouvernance actuelle ne fait pas l’unanimité.
Finalement, l’enseignement principal que je retire de cette AG est que l’entreprise est dirigée comme une "affaire de famille", avec ses avantages (prudence, vision long terme, stabilité), mais aussi ses travers… Un aspect que je n’avais pas pleinement perçu jusqu’ici.
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Présentation AG du 27 juin 2025